Une forte affluence pour cette manifestation qui s'est tenue le 30 janvier 2020
Pas moins de 90 personnes, et parmi celles-ci de nombreuses hautes personnalités, se sont pressées, le jeudi 30 janvier, dans l’exiguë salle d’audience de la rue Schoelcher, pour assister à la 3ème audience solennelle du tribunal administratif.
Le président, Laurent Martin, a débuté son propos sur l’activité juridictionnelle en 2019. Plus de 1.850 requêtes ont été enregistrées sur l’année, soit une croissance de 10% par rapport à 2018. Ce contexte de hausse continue depuis 2015 de l’activité contentieuse place le tribunal de la Guyane devant les autres tribunaux d’outre-mer, hors celui commun à la Réunion et à Mayotte.
En nombre de sorties, le tribunal a rendu 1.568 jugements et ordonnances, soit une augmentation de 12 % par rapport à l’année antérieure, à comparer avec les 6% d’augmentation au niveau national.
Un quart des entrées (457) a été constitué de référés, dont un nombre élevé de référés-suspension (238) et de référés-liberté (136).
Cette forte activité des référés urgents est à mettre en lien avec une caractéristique essentielle du tribunal de la Guyane, à savoir le contentieux des étrangers qui a constitué en 2019, avec 1.300 requêtes, 70% des entrées.
Pour la seule année 2019, le tribunal s’est prononcé sur plusieurs affaires importantes en matière de libertés publiques et d’environnement.
Il s’agit tout d’abord de la question des « mules », c’est-à-dire des personnes acceptant de convoyer par avion une certaine quantité de cocaïne vers la métropole contre une somme d’argent. Depuis le mois de février 2019, le préfet de la Guyane a entrepris de contrecarrer le phénomène en prenant des arrêtés individuels d’interdiction d’embarquement pendant trois jours. Sur quelques 800 arrêtés pris depuis lors, seuls trois ont été contestés devant le tribunal. Sont en balance les notions de risque de trouble à l’ordre public et de restrictions à la liberté fondamentale d’aller et venir, restrictions qui doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées.
Le tribunal a considéré que l’administration ne pouvait se prévaloir du seul contexte général du trafic de cocaïne pour prendre de tels arrêtés et devait procéder à un examen circonstancié de la situation de chaque individu auditionné pour apprécier la probabilité de sa participation à ce trafic.
Il s’agit ensuite des questions pétrolières. Le tribunal a, à cette occasion, rejeté les requêtes présentées par trois sociétés pétrolières, toutes candidates à l’attribution de permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures au large de la Guyane.
Enfin, le tribunal s’est prononcé sur deux affaires relatives à l’exploitation aurifère. Il a d’une part annulé un arrêté préfectoral autorisant un pétitionnaire à exploiter une mine sur la crique Nelson, près de Kourou. Le tribunal a également annulé une autorisation d’exploitation alluvionnaire délivrée à proximité immédiate du programme emblématique d’extraction industrielle dit de la « Montagne d’Or ».
En 2019, de nombreuses initiatives visant à rapprocher le justiciable du droit et de la justice ont été prises par le tribunal parmi lesquelles :
-Tenue de la première audience collégiale foraine en décembre 2019, à Saint-Laurent du Maroni,
- Traitement direct par le tribunal des demandes d’aide juridictionnelle depuis l’été 2019,
- Organisation d’un colloque sur le droit des étrangers en novembre 2019, en partenariat avec l’Université (400 personnes présentes) – tables-rondes consacrées à l’accès au droit et à la notion de vie privée et familiale,
- Participation d’un magistrat à la « pirogue du droit » en mai 2019, sur le Maroni (visites des communes et rencontre avec les habitants),
- Forte activité éditoriale du site internet (65 publications en 2019) qui jouit d’une fréquentation en forte et continue augmentation,
- Intervention du président du tribunal devant le Grand Conseil Coutumier des populations amérindiennes et bushinenges à Maripasoula en mars 2019,
- Exposé du président devant les capitaines du village Saramaka de Kourou en juin 2019,
- Communiqués de presse systématiques concernant les décisions d’importance et les initiatives du tribunal (25 sur l’année) et couverture médiatique exhaustive par les médias régionaux.
En 2020, outre la poursuite de la mise en œuvre des actions déjà entamées, les domaines suivants seront investis :
-Tenue de deux audiences collégiales (juin et décembre) à Saint-Laurent du Maroni et poursuite selon la même fréquence à partir de 2021
- Nouveau colloque en partenariat avec l’Université, avec pour thème la problématique environnementale en Guyane – novembre 2020
- Réunion d’information à destination des maires pour leur expliquer le fonctionnement et les missions de la juridiction administrative - mai 2020
- Diffusion sur le site internet du tribunal d’un clip destiné aux requérants étrangers décrivant une audience collégiale (versions françaises et haïtiennes déjà réalisées, versions espagnoles et portugaises en préparation) - février 2020,
- Réunion d’information avec les représentants de la communauté haïtienne, en coopération avec la consule d’Haïti – mars 2020.
Le président Martin a conclu son propos en déplorant une présence insuffisante de l’administration aux procès administratifs ainsi que les insuffisances en matière d’exécution des jugements.
Enfin, après avoir engagé les administrations à avoir davantage recours à la médiation, le président a conclu son propos en insistant sur la place éminente occupée par les avocats dans les évolutions en cours en Guyane en vue de rapprocher la population guyanaise de la justice.
Guyane la 1ère a rendu compte de l'audience solennelle : https://www.youtube.com/watch?v=wbbiAq9XxAM
Dans ses conclusions, et après avoir traité le droit minier en Guyane en 2019, le rapporteur public, Gilles Prieto, a consacré son propos au contentieux des élections municipales en Guyane entre 1989 et 2014. Si vous êtes intéressé par le contenu de sa présentation, vous pouvez en faire la demande à l'adresse suivante : greffe.ta-cayenne@juradm.fr
Au nom du barreau de la Guyane et représentant le bâtonnier Lingibé, Me Marcault-Derouard a conclu cette audience solennelle en insistant sur l’importance de l’accès aux droits (au pluriel) et, en écho aux propos liminaires de M. Martin, a abondé sur la nécessité, pour le bien commun, que la justice puisse compter tant sur des juges indépendants que sur des avocats déterminés. Il est enfin intervenu au soutien du maintien du régime spécial de retraite des avocats.
Cette audience s’est terminée par un pot de l’amitié particulièrement convivial sur la terrasse du tribunal.