L’usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d’efficacité de l’action publique et une exigence démocratique – Conférence du vendredi 9 février 2024 organisée à la Faculté de Droit et Science Politique de Montpellier
Notre pays s’est construit autour d’une action publique forte et de services publics efficaces. Mais, aujourd’hui, l’efficacité de l’action publique est de plus en plus questionnée. En particulier, c’est sa capacité à atteindre ses destinataires qui fait débat : parvient-elle encore à réussir son dernier kilomètre ? C’est à cette question que le Conseil d’État a choisi de consacrer son étude annuelle, la première qu’une institution publique dédie à ce sujet. Il l’a fait en s’appuyant non seulement sur son expérience de juge administratif et de conseiller juridique du Gouvernement et du Parlement mais surtout en « chaussant les lunettes », non pas des acteurs publics qui conçoivent ou mettent en œuvre les politiques publiques, mais des usagers qui en bénéficient, ou qui le devraient.
Appréhender le dernier kilomètre de l’action publique nécessite de regarder à la fois la façon dont les services publics atteignent les usagers sur le terrain et la manière dont sont conçues les politiques publiques. Pour ce faire, le Conseil d’État a mené un grand nombre d’auditions, de colloques, de consultations mais a aussi réalisé plusieurs déplacements sur le terrain, notamment dans le département de l’Hérault pour y rencontrer aussi bien le préfet de l’Hérault, des élus locaux, le directeur de la caisse d’allocations familiales de l’Hérault que les 11 jeunes ambassadeurs du Pass Culture ou les parents d’élèves de la Cité éducative de Sète (liste des personnalités ou personnes auditées page 372 et suivantes du rapport). Cette démarche l’a conduit à réaliser un véritable tour de France des difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs mettant en œuvre les politiques publiques, qu’ils soient administratifs ou associatifs, pour atteindre les usagers, mais aussi à recenser les bonnes pratiques qui améliorent l’action publique au quotidien. Le Conseil d’État dresse dans cette étude un constat sans fard du fossé qui s’est creusé entre les attentes des usagers et l’action publique malgré les efforts entrepris pour y remédier. Il propose aussi une méthode pour réussir ce dernier kilomètre, en fondant à chaque fois ses propositions sur des expériences réussies sur le terrain.
Le constat : un fossé qui s’est creusé entre l’action publique et les usagers
Partant des usagers de l’action publique, le Conseil d’État souligne que leurs attentes, leur posture à l’égard des administrations, des services publics, ont profondément changé au cours des dernières décennies. Les usagers comparent facilement la proximité, la simplicité, la rapidité des services publics avec celles d’autres acteurs, y compris du secteur privé. Aujourd’hui, les usagers sont plus nombreux, plus divers.
Dans le même temps, malgré les efforts réalisés par les administrations pour tenir compte de la satisfaction des usagers, l’appareil administratif de notre pays s’est complexifié dans son organisation (décentralisation, ouverture à la concurrence…), y compris territoriale (métropolisation, périurbanisation), et dans son fonctionnement (numérisation). Ces transformations, bénéfiques pour une majorité d’usagers, ont aussi eu des conséquences négatives pour une partie de la population, notamment les personnes fragiles ou en difficulté. Par ailleurs, en ayant choisi de privilégier sa fonction de stratège, l’État a renvoyé l’exécution des politiques publiques aux acteurs locaux, se privant ainsi largement des retours du terrain et rencontrant des difficultés dans l’exercice de sa fonction de concepteur de politiques publiques. Enfin, en dépit d’efforts indéniables pour essayer de maîtriser l’inflation normative, le volume des normes n’a cessé de croître, contribuant à faire peser la complexité de l’action administrative sur l’usager et sur les acteurs de terrain en charge du dernier kilomètre.
De ce fossé est née une crise de confiance dans l’action publique, en dépit de l’engagement fort des acteurs publics sur le terrain, qui s’essoufflent. L’étude souligne que, à bien des égards, les institutions publiques qui ont vocation à apporter aux usagers les services publics qu’ils attendent et auxquels ils sont attachés sont elles-mêmes en crise (hôpital, école, justice…). Le Conseil d’État relève toutefois que les acteurs des politiques publiques ont pris conscience de cette crise au cours des dernières années et ont développé de nouvelles initiatives pour tenter d’y remédier.
12 propositions pour mettre effectivement les usagers au cœur de l’action publique
Pour répondre à ce constat et tenter de combler ce fossé, le Conseil d’État formule 12 propositions réalistes, concrètes et ambitieuses dans leur logique d’ensemble, dans la mesure où elles dessinent une nouvelle méthode pour l’action publique. Elles renouent pleinement avec la culture du service (utilité, continuité, accessibilité, adaptabilité) et donnent aux acteurs de terrain la latitude dont ils ont besoin pour réussir le dernier kilomètre.
C’est ainsi qu’il est apparu important de venir rendre compte aux acteurs de terrain des résultats de cette étude. Sur invitation du Doyen de la Faculté de Droit et Science Politique de Montpellier et du Président du tribunal administratif de Montpellier, Madame Martine DE BOISDEFFRE, Présidente de la Section du rapport et des études du Conseil d’Etat, Monsieur Fabien RAYNAUD, Président adjoint et Madame Mélanie VILLIERS, Rapporteure générale adjointe du Conseil d’Etat, sont venus à la faculté de droit et science politique vendredi 9 février 2024 pour restituer les travaux du rapport annuel sur Le dernier kilomètre de l’action publique et formuler les 12 propositions pour tenter de remédier aux carences constatées.